Cpasdeslol

Zemmour, Hanouna, Le Pen : tous accros à Cpasdeslol, le fournisseur de vidéos d’agressions

Ce compte, qui vise un jeune public, se finance grâce à des publicités, parfois clandestines. Il a été cité dans le dossier de l’assassinat de Samuel Paty.

Et si l’élection présidentielle de 2022 basculait sur une vidéo de Cpasdeslol ? Au téléphone, l’hypothèse fait rigoler Qassim, le communicant de la bande mystérieuse qui tient ce compte sur les réseaux sociaux, spécialisé dans la diffusion d’images ultraviolentes. Notre interlocuteur cherche à mettre les choses au clair d’emblée : “On n’est pas du tout d’extrême droite, on est apolitiques, indépendants. On ne se reconnaît pas dans les politiciens, qui se servent de nos idéaux pour avoir du contenu. Notre ligne édito, c’est la street, les gens laissés sur le côté. On cherche à parler aux jeunes.” Le jeune homme, auquel on donnerait, à l’écoute de sa voix, une trentaine bien tassée (il refuse de donner son âge exact), n’ignore pas l’influence de son “média”, suivi par 140 000 personnes sur la messagerie Telegram et plusieurs milliers sur Snapchat, Twitter ou TikTok, dans le débat public. Il ne se passe plus un mois sans qu’une de ses vidéos soit relayée par Touche pas à mon poste, l’émission de Cyril Hanouna, ou des responsables politiques comme Eric Zemmour, Eric Ciotti ou Marine Le Pen. “S’il y a de la récupération politique, on est désolés, on essaye juste de montrer la vérité”, commente Qassim. 

Du moins, une certaine vérité, celle d’une France à feu et à sang, où on agresse les enseignants dans une classe, où on tire avec des mortiers sur la police, où on s’insulte copieusement dans les transports. En une poignée d’années, Cpasdeslol est devenu le principal pourvoyeur d’images d’agressions de la sphère politico-médiatique. Son importance est devenue telle que si une affaire comme celle de “Papy Voise” (du nom du septuagénaire agressé juste avant l’élection présidentielle de 2002 et dont le traitement par TF1 aurait dopé le vote Le Pen) se reproduisait aujourd’hui, il y aurait de fortes chances que cela passe par Cpasdeslol. “Les reprises de Damien Rieu (ex-porte-parole de Génération identitaire, soutien de Marine Le Pen, qui a relayé les contenus de ce compte 20 fois ces trois derniers mois, NDLR), on les voit, ne t’inquiète pas. C’est une plaie mais c’est le jeu, il fait ce qu’il a à faire”, nous prévient Qassim, qui se défend de tout sensationnalisme et rappelle que Cpasdeslol reprend aussi, parfois, des images de violences policières : “On ne veut pas mettre en avant la violence, mais la réalité du terrain.”

“On utilise Telegram pour les vidéos plus violentes”

Le compte doit son nom à une expression du sud de la France qu’on pourrait traduire en langage courant par “ça ne rigole pas”. Le rappeur Jul a nommé ainsi un de ses albums, sorti en 2019, mais ça n’a rien à voir, à écouter Qassim : “On s’est demandé si ce n’est pas lui qui s’est inspiré de nous ! On existe depuis 2018, on s’est d’abord lancés sur Snapchat, mais comme la plate-forme s’est mise à nous censurer, on l’utilise pour du contenu léger. On utilise Telegram pour les vidéos plus violentes.” A la manoeuvre, une bande d’amis du sud-est de la France qui ont “entre 25 et 35 ans”, dont aucun n’a jamais travaillé ni dans les médias, ni dans le numérique. “On n’a pas fait Saint-Cyr, on vient de la rue”, affirme Qassim, qui ne veut pas donner le nombre exact de ses compères. S’il consent à reconnaître que le compte permet à chacun de dégager des revenus suffisants pour vivre, il ne souhaite pas détailler davantage.  

A première vue, cela semble étonnant, puisque l’accès au contenu se veut entièrement gratuit. En réalité, au détour de scènes de coups de poing ou d’explosions, Cpasdeslol glisse quelques publicités, pour des jeux d’argent ou… un rédacteur de faux papiers sur demande. “L’équipe je vous partage le canal Telegram d’un ami à moi Il envoie dans toute la France”, peut-on lire ce mardi 11 janvier. Le compte en question propose d’éditer de fausses fiches de paye, de faux relevés bancaires, de faux justificatifs de réussite au code de la route, et même, lorsqu’on visite sa page… de faux passes sanitaires, pour des sommes allant de 250 à 400 euros. “Ça peut arriver malheureusement que tu te retrouves avec des gens qui te disent non non et qui font oui oui”, commente Qassim, qui assure avoir toujours refusé de ce type de réclames. Plus généralement, il explique que “les placements peuvent être rémunérés” et ajoute : “Des artistes font parfois aussi appel à nous. On préfère être discrets car on est surveillés, l’Elysée est au courant”. Sur le compte Telegram, des messages remettant en cause l’efficacité de la vaccination contre le covid sont régulièrement postés, comme le 13 janvier : “D’après le professeur raoult les pays les plus toucher par l’épidémie c’est les pays avec le taux de vaccination le plus élevé (sic).” On y trouve également, le 14 janvier, une publicité pour… un avocat pénaliste, qui a récemment défrayé la chronique en s’affichant spécialiste des affaires de “go fast”, de “stups” et de vol. 

Source: lexpress.fr